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Régulation & résistance : l’industrie du doublage face à l’intelligence artificielle

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Date de publication : 10 octobre 2025

Catégorie : Veille sociale, législation & industrie

 

Face à la prolifération de technologies IA capables de générer des voix qui imitent très fidèlement des doubleurs, l’industrie du doublage — en France, en Europe — doute, proteste, réclame un encadrement. Au-delà des craintes, des textes législatifs émergent, des actions juridiques sont engagées, les voix se font entendre. Retour sur les évolutions les plus marquantes.

De nouvelles législations et propositions réglementaires témoignent d’une prise de conscience croissante face aux effets de l’intelligence artificielle sur les métiers de la voix et de l’image. L’AI Act adopté par l’Union européenne en 2024 encadre un large éventail d’usages de l’IA et introduit notamment une obligation de transparence concernant les contenus générés artificiellement. Cette disposition pourrait avoir un impact direct sur les doublages synthétiques dépourvus de labellisation claire, même si le texte ne répond pas encore de manière exhaustive aux questions relatives aux droits attachés à la voix ou à l’empreinte vocale.

Parallèlement, le Danemark travaille sur une réforme visant à étendre le droit d’auteur afin d’inclure la voix, l’apparence et certaines caractéristiques physiques en tant que propriétés intellectuelles protégées. Cette initiative est souvent présentée comme un modèle potentiel pour une harmonisation future à l’échelle de l’Union européenne.

Face à ces évolutions technologiques, la mobilisation des professionnels du secteur s’intensifie. En France, l’initiative TouchePasMaVF fédère doubleurs, adaptateurs et techniciens autour de la défense du doublage humain, de la garantie d’une rémunération équitable et de la prévention de toute utilisation non contrôlée de la voix d’un artiste par des systèmes d’IA. À l’échelle européenne, des organisations telles que United Voice Artists ou la VDS en Allemagne réclament des cadres juridiques clairs portant sur le consentement explicite, la compensation financière et la traçabilité des voix exploitées.

La jurisprudence commence également à apporter des éléments structurants. Un jugement rendu par le tribunal de Berlin le 20 août 2025 a reconnu la voix comme un droit de la personnalité, y compris dans les cas d’imitation, en soulignant l’importance de la perception du public qui associe la voix à un artiste identifié. D’autres affaires, comme le procès dit Lovo, illustrent quant à elles les risques liés à des contrats insuffisamment transparents et à des usages non anticipés des données vocales.

Malgré ces avancées, de nombreuses limites subsistent. Une part importante des technologies concernées est développée ou exploitée en dehors de l’Union européenne, ce qui complique l’application effective des régulations existantes telles que le GDPR ou les législations nationales. En outre, le coût et la durée des procédures judiciaires demeurent dissuasifs pour les artistes agissant individuellement, tandis que la sophistication croissante des clones vocaux rend techniquement difficile l’identification et la preuve d’un usage illégal.

L’essor de l’IA dans le domaine du doublage contraint ainsi l’ensemble de la filière à repenser en profondeur ses pratiques, qu’il s’agisse des contrats de travail, de la propriété des voix ou des modalités de consentement. Si la législation progresse, elle reste encore expérimentale et incomplète. Pour que le doublage humain conserve sa légitimité et sa valeur culturelle, il apparaît indispensable de garantir des droits solides aux artistes sur leur voix, y compris dans ses formes synthétiques, d’informer clairement le public, de sanctionner les usages non autorisés et de mettre en place des modèles économiques assurant une compensation juste et durable.


 
 
 

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